jeudi 22 mars 2007

Jour 4

Avis à tous les recherchistes et journalistes qui souhaitent me contacter personnellement: c'est très flatteur, mais j'ai choisi de rédiger ce blogue de manière anonyme, et je choisis de demeurer anonyme. Ne le prenez pas personnel, je fais la même réponse à tout le monde. Ce blogue se voulait un journal de campagne, de la compagne telle que je la vois et que je la vis. Il s'éteindra au surlendemain de l'élection, avec mes derniers commentaires sur le nouveau gouvernement. Mais merci de me lire!

Il ne reste que 4 jours avant le jour J. 4 petites et si longues journées. Dans les comités électoraux, on met la dernière main aux préparatifs finaux. Dans les autobus de campagne, la fatigue commence à laisser des traces, tout le monde a la mèche plus courte. On commence à penser avec plus d'acuité au lendemain de l'élection. Les enjeux sont bien différents, qu'on soit chef de parti, candidats ou membres du personnel politique. J'ai envie de commencer une série sur le côté humain d'un travail inhumain. J'ai envie de vous faire découvrir ceux et celles que personne ne connaît, mais qui ont travaillé sans relâche. Le personnel qu'on dit "politique".

Ce soir, à 4 jours de l'élection, certains vivent probablement dans l'angoisse, d'autres dans l'espoir, et les autres sont probablement trop abrutis par la fatigue pour ressentir quoi que ce soit. Quand vous êtes attaché politique dans un cabinet de ministre et que vous sentez que votre parti sera renvoyé à l'opposition, vous savez que vous venez de dire adieu à votre job. Qui est un job passionnant, l'adrénaline dans le plancher, il faut l'avouer. Le pouvoir, c'est "highly addictive". Au lendemain de la défaite, il faut gérer 2 problèmes: se retrouver un boulot, alors que vous avez une étiquette collée dans le front (et c'est particulièrement vrai à Québec, qui est un petit milieu ou tout le monde se connaît), et apprendre à vivre une vie "ordinaire". Le "post-partum" électoral est dur à vivre. Tout d'un coup, la fatigue des 4 dernières années s'additionne à celle de la campagne. Parce que la réalité, c'est que c'est instantané: pas de préavis de perte d'emploi. Pas de parachute doré permettant un atterrissage dans la fonction public ou dans le para-public. Une prime de départ qui vous permettra de voir venir, un peu. Et surtout, surtout, votre téléphone ne sonne plus. Vous qui étiez si courtisé, tant appelé, non seulement on ne retourne plus vos appels, mais même vos vieux chums ne vous appelent plus, de peur de tomber sur quelqu'un de déprimé. Peu importe la couleur du parti, j'ai connu des gens qui, à la fin de chaque régime, qu'il soit péquiste ou libéral, ont mis des années à s'en remettre.

Ou alors, vous faites partie des chanceux qui, après avoir milité dans l'ombre pendant des années, voient enfin leurs efforts récompensés: votre parti a été porté au pouvoir, et c'est à vous qu'on offrira enfin cette job dont vous rêvez. Méfiez-vous. Y'a plein de monde qui vous attend dans le détour. D'abord, les méchants fonctionnaires, qui vont vous tester pour mesurer votre "naïveté" ou votre "partisanerie". Puis, les non moins méchants journalistes, qui vont essayer de nouer des liens d'amitié avec vous pour mieux vous soutirez les secrets de votre parti/ministre. Enfin, vos propres collègues, qui se feront un plaisir de vous enfarger pour devenir le favori du ministre ou de son chef de cabinet et ainsi se négocier une meilleure augmentation de salaire. Je caricature, vous croyez? À peine. Mais le premier mois sera exaltant, au-delà même de ce que vous pouvez vous imaginer. Certains survivront, d'autres pas. La fin des illusions, ça peut être encore plus douloureux que la perte d'un emploi.

Enfin, y'a tous ceux qui savent que leur parti n'a aucune chance de l'emporter, et qui ont fait la campagne pour le plaisir pur de faire de la politique, pour faire avancer leur cause ou pour aider un ami. Ceux-là iront prendre une ou douze bières lundi soir, et seront au poste pour décrocher les pancartes mardi matin. Ils se promettront de mieux s'organiser la prochaine fois.

Partout, au-delà des programmes, des promesses, des slogans, je n'oublie jamais qu'en politique, il y a des humains. Du vrai monde, comme vous et moi. C'est à eux que je pense ce soir. C'est pour eux que j'aurai une pensée lundi. Pour la joie ou la peine que ces gens-là auront.

Citation du jour: Juste avant, M. Cannon avait assuré que le gouvernement allait continuer à réformer le fédéralisme «de façon à ce que le Québec, encore une fois, puisse être renforcé à l'intérieur d'un Canada fort et uni». (tiré de Cyberpresse). Lawrence, mon vieux, Yvon Deschamps devrait vous engager comme assistant script!









2 commentaires:

Anonyme a dit...

Ayant moi-même été employé de l'ADQ lors des campagnes de 1998 et de 2003, je me retrouve totalement dans certaines partie de votre texte. Un texte rempli de réalisme (à ce que je sache du moins). Bravo et merci.

Je vais même pousser l'audace (lol) jusqu'à me nommer au cas ou nous aurions travaillé ensemble (car visiblement, vous parler d'expérience vécu dans ce texte)

Christian Barrette (non non, pas celui de Jean Charest, celui de l'ADQ !)

Anonyme a dit...

Merci de partager votre vision du personnel politique. Les gens dans notre entourage et du public en général ont souvent bien de la difficulté à comprendre ce qu'implique le fait de perdre ses élections...
Se retrouver un emploi, ce n'est pas si simple que ça ! Se sevrer de l'adrénaline, ça a des effets secondaires assez mpressionnants ! Et que dire de la fatigue et du stress accumulés pendant quatre ans... et la fatigue de la campagne, encore plus poignante quand elle n'est pas récompensée !
Bref, merci de votre beau témoignage !!