jeudi 15 mars 2007

Jour 11

Ce qui semblait improbable il y a encore quelques semaines pourrait bien être une réalité le 27 mars au matin: un gouvernement minoritaire adéquiste. Et le dernier Léger Marketing décrète que selon une majorité de "sondés", c'est maintenant Mario Dumont qui semble être le meilleur premier ministre potentiel.

Que s'est-il donc passé au PLQ? Que se passe-t-il au PLQ? Ce parti a, et de loin, toujours eu la meilleure machine électorale. De l'argent, des bénévoles, des militants influents. Une équipe rodée. Presque jamais de sable dans l'engrenage. Et là, en 2 jours, c'est erreur de jugement par dessus désastre. Remettons les choses en perspective: de toutes les campagnes électorales auxquelles j'ai participé, et ce à tous les niveaux de gouvernement, des "incidents" comme celui d'aujourd'hui, ou le chef se fait apostropher, c'est monnaie courante. Sauf que lorsque le parti a le vent dans les voiles, ce n'est généralement pas ce que tous les médias montrent ou décrivent. Non, on reste calme: je ne dis pas que les déboires de Charest sont dûs aux méchants journalistes! Je souligne seulement qu'il y a un espèce de phénomène naturel qui fait que quand les tuiles commencent à tomber, on appréhende la catastrophe. On annonce l'ouragan avant qu'il n'atteigne les cotes. Les mauvaises nouvelles sont toujours plus "payantes" que les bonnes.

L'erreur première, à mon avis, c'est d'avoir sous-estimé la grogne réelle sur le terrain. C'est de n'avoir rien de neuf à proposer, juste la continuité. Or, pour plusieurs personnes, la réalité n'est pas rose rose. Du pareil au même, dans les circonstances, c'est pas emballant. Pour les autres, le projet de souveraineté, ce n'est pas non plus emballant, parce qu'il n'est plus associé à un projet de société. Alors le vote des désabusés va se "parquer" à l'ADQ.

Le PQ, quant à lui, ne semble pas remonter suffisamment vite pour inverser la tendance. Mais méfions-nous. En 2003, dans plusieurs comtés ou les résultats ont été serrés, c'est entre le péquiste et le libéral que ça s'est joué. Or, manifestement, c'est dans le vote libéral que l'ADQ va piger. Peut-être pas assez pour gagner ces comtés, mais suffisamment pour faire passer le PQ. On pourrait tout aussi bien se retrouver avec un gouvernement minoritaire péquiste, ce qui deviendrait vite la hantise de Stephen Harper. Le ROC (rest of Canada) ne lui pardonnerait pas ses "largesses" envers le Québec depuis son élection, et particulièrement sa reconnaissance de la nation, pour revenir à la psychose référendaire.

Et stratégiquement, je m'explique mal le soudain besoin de Dumont a se "coller" sur le PM canadien, même si le fait de suivre la même stratégie de campagne (une annonce par jour, des livrables faciles à comprendre - même si la situation économique du Québec est loin d'être celle du Canada ) lui réussi tout à fait. Mais il y a des gens qui commencent à comprendre que le virage à droite, même s'il comporte certains avantages, vient aussi avec des inconvénients, et que sur le strict plan des valeurs, les "réformistes" sont loin de ce que nous sommes. Ou du moins, ce que nous prétendons être.

On fait quoi, dans les circonstances? Le war room du PLQ doit se donner des coups de pied. Les "déviations" des derniers jours sur le plan de campagne pépère doivent donner des sueurs aux gens qui s'occupent de la tournée du chef. Et dans ce cas, le début de panique est mauvais conseiller. Il faut s'en tenir à 3 ou 4 messages, et les marteler sans cesse. On a fait amende honorable pour la santé et les impôts. Maintenant, il faut jouer sur les valeurs.

Le war room du PQ doit aussi se réveiller un brin. Il faut absolument ramener au bercail les souverainistes égarés chez les verts ou chez QS. Ces quelques milliers de voix peuvent, cette fois-ci, vraiment faire une différence dans le nombre de comtés. Le PQ a toujours été solide sur la publicité, sur les thèmes rassembleurs. C'est un peu le vide de ce côté. On a réhabilité le chef, peut-on réhabiliter le programme? Parlons de souveraineté, il sera toujours temps, après avoir pris le pouvoir, de ressortir les "conditions gagnantes"...

Le war room de l'ADQ doit se méfier du triomphalisme. Je n'arrive pas à déterminer si d'annoncer à 11 jours du vote qu'on a mis sur pied une équipe de transition au cas ou est une bonne ou une mauvaise stratégie. Cela avait servi Harper, indiquant ainsi qu'il était prêt. Mais le dernier qui a prétendu "être prêt" ne l'était pas vraiment. Et il doit s'en expliquer aujourd'hui, et deux fois plutôt qu'une.

Ce weekend, les plans de la dernière semaine de campagne seront négociés, supputés, discutés, revus et corrigés. Elle sera fascinante, cette dernière semaine. Quant à moi, je vous dévoilerai enfin quel est le vrai nerf de la guerre pendant une campagne: et non, ce n'est ni l'argent, ni les votes ethniques!

Citation du jour: "On parle beaucoup de curatif, pendant cette campagne, mais bien peu de prévention. Le système de santé coûte cher, mais n'oublions pas que nous sommes la société ou il se prescrit le plus de pillules par habitant" Scott McKay, chef du parti vert, lors d'un débat à RDI ce soir. (la citation n'est pas texto, mais résume le propos). Sérieusement, la citation la plus intelligente sur la santé que j'ai entendu de toute la campagne. McKay a raison: si on posait les bonnes questions, on aurait les bonnes réponses. Waiter, un valium avec ma bière!

4 commentaires:

Anonyme a dit...

"des "incidents" comme celui d'aujourd'hui, ou le chef se fait apostropher, c'est monnaie courante. Sauf que lorsque le parti a le vent dans les voiles, ce n'est généralement pas ce que tous les médias montrent ou décrivent."

Y a peut-être autre chose... depuis quelques mois - en très peu de temps - les médias se sont en quelque sorte transformés.

Qui est la personnalité de l'année 2006 selon le Times? M. Tout-le-monde. M. Tout-le-monde est quelqu'un, et DEVIENT les médias. Ce qui a peut-être pour conséquence que les médias "traditionnels" n'ont pas le choix, eux non plus, de s'ajuster et de mettre l'emphase, du moins plus qu'avant, sur M. Tout-le-monde.

D'autant plus que nombre de journalistes sont aussi blogueurs... par déformation, par habitude, ils ont peut-être tendance à accorder plus d'importance "individuelle".

Et c'est la même chose avec les autres "accrocs" de la campagne: ce sont tous des accrocs individuels... des candidats qui sont tassés. Pas des idées, pas des projets. Des candidats.

Le viaduc de la Concorde, qui a fait 5 morts, est devenu "L'enjeu" électoral. Pourtant, c'est un enjeu "gros plan". Beaucoup plus "particulier" que "la santé", "l'éducation", "l'avenir du Québec".

Anonyme a dit...

Désolée pour les adéquistes, mais Dumont me fait peur. Comme Harper.

Point.

Gorge profonde a dit...

@anonyme: vous n'êtes pas la seule. Malheureusment, faut croire qu'on aime vivre dangeureusement, si j'en juge par les sondages.

@patate: j'aime beaucoup votre analyse et je pense que vous tenez un filon intéressant. La question est à savoir si on veut vraiment être géré et gouverné par Monsieur-tout-le-monde.

PatTheBrat a dit...

"Je vous dévoilerai enfin quel est le vrai nerf de la guerre pendant une campagne"

Moi je sais ! Moi je sais !
Ça prend : Une liste, un téléphone et un bon laïus x un nombre impressionant de bénévoles vraiment déterminés.

J'ai raison ?